De Cambridge à PSL, interview d'Andrew Griffiths, serial inventeur et startuppeur
Biochimiste d’origine britannique, Andrew Griffiths est professeur de biochimie à l’ESPCI Paris. Ses travaux sont à l’origine du dépôt de nombreux brevets et de la création de plusieurs start-up de biotechnologies, dont 3 à l’ESPCI. Retour sur son parcours, ses conseils et ses succès.
PSL : Vous êtes docteur de l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Leicester, vous avez exercé à Cambridge, à l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Strasbourg avant de rejoindre l’ESPCI en 2012. Pourriez-vous rappeler les grandes étapes de votre parcours et pourquoi avoir choisi l’ESPCI ?
J’ai le sentiment qu’il a toujours été presque facile, ou en tout cas plus facile qu’ailleurs, d’innover à l’ESPCI.
Andrew Griffiths : J’ai soutenu ma thèse sur l’épissage de l’ARN à l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Leicester en 1988 et j’ai ensuite eu l’opportunité de rejoindre en post-doctorat l’équipe de au sein du laboratoire de biologie moléculaire du Medical research Council de l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Cambridge. Cela a été décisif ! Greg Winter a été l’un des des anticorps thérapeutiques, et la méthode de « phage-display » d’anticorps, que nous avons développée et brevetée, a conduit à la remise du prix Nobel de Chimie à Greg Winter en 2018, et la creation des societés « Cambridge Antibody Technology », et « Domantis » rachetée par la suite par AstraZeneca et GSK, respectivement.
Cette expérience m’a appris très vite à interagir avec le monde des start-up et à penser mes travaux scientifiques hors du seul cadre de mon laboratoire. Cela m’a été extrêmement utile pour réagir et savoir saisir les opportunités. Par exemple, peu avant mon arrivée à Strasbourg, j’ai collaboré avec professeur à Harvard, que j’avais rencontré… au MIT ! En partant d’un échange assez simple, nous nous sommes très vite aperçus qu’en croisant nos approches et nos méthodologies (criblage et évolution dirigée de biomolécules dans des émulsions et manipulation de gouttelettes en microfluidique) on pourrait ouvrir la voie à de nouvelles applications dans différents domaines des biotechnologies. Le hasard a fait que j’ai été sollicité par un entrepreneur américain sur d’autres sujets et en évoquant avec lui ces dernières recherches, il a tout de suite été emballé et a souhaité investir. C’est ainsi que nous avons fondé très rapidement la société , récemment acheté par BioRad..
Quand en 2012, j’ai choisi de rejoindre l’, j’ai été séduit par trois aspects fondamentaux de l’école : l’excellent niveau des élèves, l’environnement scientifique et l’esprit d’innovation et de valorisation des travaux scientifiques. Un esprit qui remonte, selon moi, à l’époque des Curie ! D’ailleurs, depuis mon arrivée nous avons pu créer trois start-up : , , et
PSL : Vos travaux ont en effet permis la création de plusieurs entreprises de biotechnologie, cela semblerait presque naturel. Est-ce réellement le cas ? Auriez-vous un conseil pour un jeune chercheur qui souhaiterait se lancer ?
Chercheur-entrepreneur, choisissez bien le CEO de votre start-up !
A.G. : Je vais être très bref, je n’ai qu’un seul conseil à donner et il est pour moi essentiel : trouver un bon CEO ! J’entends par là , une personne capable de porter la politique scientifique et stratégique de la start-up !
L’erreur à ne surtout pas commettre, serait de penser qu’en tant que chercheur on dispose des attributs nécessaires pour devenir CEO. Pour ma part, en tout cas, je connais mes limites et je laisse leur place aux experts (rires).
PSL : Parmi les start-up dont vous êtes co-fondateur figurent HiFiBio, qui a connu un développement remarquable, et plus récemment Cyprio, créée en 2017. Quelle a été la genèse des technologies qu’elles utilisent, et des brevets associés ?
A.G. : Au risque de décevoir, la genèse de HiFiBiO ne s’est pas déroulée sous un schéma type. Ce n’était pas la propriété intellectuelle qui était à l’origine d’HifiBiO ou Biomillenia. L’une et l’autre ont débuté par une intuition. Pour HifiBiO, à l’issue des travaux de recherches menés à Harvard et à Strasbourg, nous avons acquis la conviction qu’il était possible de développer la microfluidique en gouttes pour identifier et caractériser les anticorps à visée thérapeutique. Nous avons déposé ou acquis des brevets dans un second temps, dont 3 récemment licenciés par PSL Valorisation. L’idée de départ était probablement bonne, mais cela ne suffit pas toujours et nous n’avions pas le monopole du secteur. Le succès de cette start-up tient surtout au très bon leadership de ses deux CEO successifs, et aussi à d’autres personnes qui ont soutenu sa création. Grâce à eux nous avons pu rencontrer les bons collaborateurs et investisseurs.
L’histoire de Cyprio est plus conventionnelle. Nous sommes partis des brevets déposés par Jérôme Bibette (Directeur du laboratoire Chimie Biologie Innovation à l’ESPCI) sur la méthodologie pour encapsuler des cellules dans des capsules d’alginate, grâce à des techniques microfluidiques. Et nous avons construit une offre technologique solide autour de la fabrication de micro-tissus du foie et du pancréas à visée pharmaceutique, thérapeutique et scientifique. Mais le projet est encore jeune, attendons avant d’en dire davantage !
PSL : Quel a été l’impact de la création de PSL sur ce processus ? Comment travaillez-vous avec PSL-Valorisation ?
A.G. :J’ai le sentiment qu’il a toujours été presque facile, ou en tout cas plus facile qu’ailleurs, d’innover à l’ESPCI. L’environnement scientifique et géographique est incroyable et permet d’avoir accès assez rapidement à des expertises, des partages d’expériences. Mais, la structuration d’un service valorisation par Jacques Lewiner au sein de l’école d’abord, puis au sein de PSL a été une vraie bonne nouvelle. Certes au lieu de traverser le couloir, je dois désormais me rendre dans les locaux de PSL Valorisation, rue Censier (à 5 minutes à pied de mon bureau !), mais je dispose en retour des conseils d’une équipe de professionnels experts sur les questions de licences, contractualisations…Un vrai plus !
J’ai également la sensation que le rapprochement entre les établissements permet une saine émulation. Même à l’ESPCI où la tradition de valorisation est forte, je sens un changement chez les élèves. De plus en plus d’entre eux préfèrent tenter l’aventure start-up que d’avoir une belle vie de conseiller scientifique dans un grand groupe. Certains anciens élèves d’ailleurs travaillent dans les start-up issue de l’école ! Et c’est aussi très stimulant de voir l’intérêt croissant pour les start-up dans d’autres établissements de PSL, dont certaines équipes avec lesquelles nous travaillons, comme à l’Institut Curie sur l’immunothérapie.
HiFiBiO :
Spin-off de l’ESPCI qui identifie et caractérise des anticorps à visée thérapeutique. Sa combinaison unique de technologies novatrices permet le criblage à très haut débit et à l’échelle de la cellule unique des cellules primaires productrices d’anticorps fonctionnels. Elle s’appuie notamment sur la révolution de la microfluidique en gouttes pour conduire son programme de développement et pour réaliser des partenariats stratégiques portant sur de nouvelles applications de la plateforme HiFiBiO.
Cyprio :
Start-up de biotechnologie issue de l’ESPCI Paris, qui fabrique des micro-tissus du foie et du pancréas pour les applications pharmaceutiques et thérapeutiques et pour la recherche fondamentale.