« L’Ecole est tournée vers les grands enjeux contemporains »
Nouvellement élu à la présidence de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Jean-Michel Verdier présente les principales forces et orientations de ce grand établissement, représentant depuis plus de 150 ans un modèle précurseur de recherche et de formation par la recherche dans le paysage de l’enseignement supérieur français. Interview.
PSL : Directeur d’études de l’EPHE depuis 2001 vous vous êtes impliqué dans la vie de l’école et de ses instances en tant que membre du conseil d’administration, du conseil scientifique et en prenant désormais la présidence de l’école pour 5 ans. Quelles sont pour vous les grandes forces de l’EPHE dans le paysage de l’enseignement supérieur aujourd’hui ?
L'originalité de l'École vient de ce qu'elle continue à être, un conservatoire de disciplines rares, de niches de l'érudition, mais où l'on utilise des outils de pointe pour en faire des disciplines d'avant-garde au service des grands enjeux sociétaux contemporains
Jean-Michel Verdier : L'originalité de l'École vient d'abord, depuis sa création en 1868, de son positionnement dans le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, la création à cette époque du "séminaire" en sciences humaines et sociales où l'on analyse des documents et du "laboratoire" en sciences dures où l'on réalise des expériences allait à l'encontre de la délivrance de la "vérité" professée en chaire par un professeur tout puissant. Cet apprentissage de la recherche par la pratique, avec un tutorat personnalisé pour chaque étudiant, est aujourd'hui bien popularisé. Mais à l'époque, il était novateur d’articuler ainsi recherche et enseignement. Ensuite, l'originalité de l'École vient de ce qu'elle a été, et continue à être, un conservatoire de disciplines rares, de niches de l'érudition, mais où l'on utilise des outils de pointe comme les humanités numériques ou les big data, pour en faire des disciplines d'avant-garde. Au travers des instituts qu'elle a récemment créés, l'École est aussi tournée vers les grands défis actuels : biodiversité, réchauffement climatique à partir de l'étude des récifs coralliens, vieillissement, laïcité ou encore enseignement des faits religieux. En somme, l'École a toujours suivi sa voie tout en s'adaptant aux grands enjeux contemporains.
PSL: L’EPHE a fêté en 2018 ses 150 ans. Quels ont été selon vous les grands temps forts de cette année et que peut-on souhaiter à l’école pour les 150 prochaines années ?
JMV : Sous la présidence d'Hubert Bost, à qui je viens de succéder, l'École a fêté magnifiquement son cent cinquantenaire par un cycle de conférences, la remise de doctorats honoris causa, la mise en place d'un dictionnaire prosopographique et, last but not least, par l'édition d'un ouvrage, synthèse de 150 ans d'existence qui, grâce à Patrick Henriet qui l'a coordonné, rend hommage aux personnes qui ont fait l'École. Au moment d'entrer dans notre 151e année, l'École "hors les murs", comme l'a voulue son créateur, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy, afin de lui conférer plus de souplesse, fait place progressivement à une École "dans les murs" qui va se doter de nouveaux espaces de recherche sur le Campus Condorcet qui accueillera, d'ici 4 ou 5 ans, son futur siège.
La mondialisation touche aussi l'enseignement supérieur et la recherche. Dans ce contexte, l'association de plusieurs établissements au sein de plus grosses structures comme l'±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL est devenue nécessaire. Pour autant, la richesse de l'École ne tient pas dans ses évolutions administratives, mais bien dans ses enseignants dont la singularité est de construire une recherche du plus haut niveau, qu’ils s’emploient à diffuser dans l’espace académique aux étudiants qui, à leur tour, le transmettront aux générations futures, et de plus en plus dans la société civile. C'est tout le mal que nous pouvons nous souhaiter !
PSL : Les étudiants de l’EPHE sont très actifs au sein des associations étudiantes de PSL et de la vie du campus. À quoi peut-on selon vous attribuer cette vitalité ? Quelles sont les principales formations proposées par l’EPHE ?
L'École, par ses formations et par sa volonté de mettre l’apprentissage de la recherche par la recherche au cœur de ces formations, attire des profils riches et atypiques, notamment des étudiants étrangers qui représentent 45 % de nos effectifs.
JMV : Beaucoup d'étudiants de l'École participent aux différentes activités sportives, culturelles ou scientifiques proposées par PSL. Les étudiants ont le sentiment de participer à la construction d'une université unique et retrouvent au sein de PSL des étudiants avec des profils très variés. Leur intérêt réside aussi dans le fait que l’EPHE n’a pas les moyens d’offrir une vie de campus aussi riche et diversifiée. La mise en place d’un bureau de la vie étudiante a impulsé une dynamique que nous souhaitons renforcer dans les années qui viennent, notamment dès l'automne 2019 à Condorcet.
L'École, par ses formations dans des disciplines peu enseignées à l'université et par sa volonté clairement affichée de mettre l’apprentissage de la recherche par la recherche au cœur de ces formations, attire des profils riches et atypiques, notamment des étudiants étrangers qui représentent 45 % de nos effectifs.
Outre les diplômes nationaux, qui seront tous des diplômes PSL à la rentrée 2019, nous proposons des formations propres originales. D'abord le Diplôme de l’EPHE dont l’objectif est de former les étudiants dans le cadre de la formation continue à la recherche par la recherche. Il permet notamment à des techniciens déjà en poste de progresser dans leur carrière, en atteignant le niveau d’ingénieur et, sous certaines conditions, d'entrer en doctorat. Ensuite, le diplôme de "post-doctorat", très prisé de certains étudiants étrangers, sanctionne une recherche originale conduite après l’achèvement de la thèse. Il a été aussi conçu comme une étape vers la préparation de l'HDR.