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"Savoir attirer et retenir les meilleurs talents dans son équipe est décisif dans la carrière d'un chercheur"

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Lauréat d’un financement ERC Consolidator depuis 2015, et dernièrement récompensé par la médaille EuroBIC 2018, Gilles Gasser est à la tête de l’équipe de Chimie Inorganique Biologique à Chimie ParisTech. Interview.

Gilles Gasser, professeur à Chimie Paris Tech ±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL, recevant la médaille EuroBic2018

PSL : Vous avez rejoint PSL pour créer à Chimie ParisTech l’équipe « » il y a tout juste deux ans. Que retenez-vous de cette expérience ?

Gilles Gasser : A la fin de mon contrat à l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Zurich, plusieurs options se sont présentées à moi pour continuer ma carrière académique, mais celle de Chimie m’a vraiment séduite. Une telle place, dans une telle ville, au sein d’un tel réseau cela ne se refuse pas ! Avec le recul, je mesure encore mieux ma chance ! Grâce à la chaire d’excellence PSL et au financement ERC, j’ai pu démarrer mon projet dans les meilleures conditions en recrutant tout de suite cinq excellents doctorants et un post-doctorant. C’est une étape décisive, car pour un chercheur, la qualité de son équipe initiale joue un rôle crucial pour le succès futur. En démarrant un projet avec de bons éléments, le reste suit de manière beaucoup plus simple.

PSL : L’équipe de recherche dont vous êtes le PI (Principal Investigator) est très dynamique : publications scientifiques en nombre, 13 chercheurs actuellement et déjà près de 59 alumni (stagiaires, doctorants, postdoc confondus). Comment expliquez-vous une telle vitalité ?

GG : Le « » et le site web datent de 2011, date à laquelle j’ai démarré mes recherches en tant que professeur assistant au département de Chimie de l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Zurich en Suisse. C’est certes très anglosaxon de lancer ainsi un site web avec son nom, mais c’est une pratique assez répandue de nos jours. Et cela à l’avantage d’être un nom très facile à retenir. Le site internet m’a permis de garder une continuité dans mes activités de recherche, et c'est surtout un outil puissant pour recruter des doctorants brillants issus des quatre coins du monde. Actuellement, mon équipe est composée à majorité de jeunes chercheuses qui viennent de France, de Pologne, de Suisse, de Chine, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Australie ou d’Italie… Pour moi ce mélange des cultures est très riche, il permet une vraie vie d’équipe, et surtout, comme la science, c’est une belle opportunité d’élargir son horizon de pensée.

PSL : Pouvez-vous rappeler brièvement les activités de recherche de votre groupe ?

Si j’avais un conseil à donner aux étudiants, ce serait de toujours choisir avec attention leur Master, leur directeur de laboratoire, directeurs de thèses… C’est un choix tout aussi crucial et décisif pour les étudiants que pour les encadrants.

GG : Notre champ de recherche est la « chimie inorganique biologique ». Nous sommes plus particulièrement reconnus dans le monde scientifique et industriel pour l’élaboration de composés métalliques à des fins biologiques ou médicales (traitement de certains cancers ou de maladies parasitaires comme la bilharziose). Pour vous donner des éléments de contexte, depuis quelques années une nouvelle thérapie, la thérapie photodynamique, est utilisée pour lutter contre certains cancers localisés (cancer de la langue, cancer de la prostate…). Cette méthode s’appuie sur l’injection d’un photosensibilisateur qui, en réaction avec la lumière, va émettre localement une substance (l’oxygène singulet) pour détruire les cellules cancéreuses. C’est une thérapie efficace, comportant moins d’effets secondaires que les techniques actuellement utilisée comme la chimiothérapie, mais elle pourrait encore être perfectionnée. Les composés à base de métaux sur lesquels nous travaillons présentent des propriétés intéressantes et pourraient remplacer les photosensibilisateurs actuels pour un traitement plus spécifique de certaines cellules cancéreuses. Ces recherches se font en collaboration avec des équipes de Chimie ParisTech, l’Institut Pasteur et Paris Descartes. Et grâce aux partenariats internationaux de PSL, nous avons pu effectuer l’année passée des séjours de recherches décisifs à NYU et Stanford. A cet égard, cela nous a permis récemment de déposer un ERC Proof of Concept avec les résultats obtenus.

PSL : Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce projet ? Et avez-vous d’autres projets européens à venir ?

GG : L’ERC Proof of Concept est une bourse remise aux lauréats ERC, qu’ils soient starting, consolidator, advanced ou Synergy, pour permettre d’explorer le potentiel commercial ou social des résultats de recherche. L’obtention de ce financement serait un vrai jalon, car il nous permettrait de réaliser l’étude de marché nécessaire pour définir la stratégie de commercialisation de nos composants. Sachant que notre idée à long terme, n’est pas de créer une start-up, mais d’accompagner le transfert technologique de nos résultats vers un groupe industriel.
J’ai bien évidemment également en tête de concourir à d’autres appels à projets, comme le FET-Open, et je vais postuler prochainement avec des collègues à un projet ITN (Innovative Training Network) et à une action, qui concerne la structuration de réseaux à l'échelle européenne. Pour le moment, je m’en tiens là, il n’y a que 24 h dans une journée, et il faut savoir choisir ses priorités !

 

PSL :  Vous êtes lauréat d’une ERC Consolidator grant et on vous a remis cet été la médaille « EuroBIC 2018 » décernée à de jeunes scientifiques auteur de recherches « exaltantes » de haut niveau. Comment ces récompenses, en particulier votre ERC, influent sur vos recherches ?

GG : Je suis très fier de ces distinctions mais surtout très, très reconnaissant envers tous mes anciens et actuels étudiants et collaborateurs.  Plus généralement, j’ai le sentiment que ces récompenses participent d’un cercle vertueux. Je m’explique, le financement ERC m’a permis de construire mon labo ici. La renommée des prix contribue à me faire connaître auprès des étudiants internationaux, ce qui me permet de recevoir d’excellentes candidatures et de recruter de très bons profils. C’est fondamental. Le premier doctorant, la première recrue d’un groupe de recherche, ont, l’un et l’autre, un poids considérable. Il ne faut pas se tromper. Cela peut paraître excessif, mais je suis persuadé qu’il s’agit là d’un choix décisif et impactant pour le reste de votre carrière académique.
Aujourd’hui, beaucoup de mes anciens stagiaires, doctorants et post-doctorants poursuivent de belles carrières dans le secteur industriel. Et, parmi ceux qui ont choisi la filière académique, l’un d’eux vient d’obtenir une place de professeur assistant, une autre une bourse européenne Marie Curie à Cambridge et un autre une bourse von Humboldt dans un centre de recherche Helmholtz en Allemagne. C’est pas mal pour une équipe lancée il y a tout juste 7 ans, je suis très fier de leurs parcours !

PSL :  Vous enseignez également au sein du dont les enseignements sont conçus exclusivement en anglais. Comment cette activité s’articule-t-elle avec vos activités de recherche ? Y recrutez-vous des étudiants ?

GG : C’est un très bon Master, une vraie pépite ! Les enseignements sont à l’interface de la Chimie et de la Biologie, avec des petits effectifs, j’apprécie beaucoup d’y enseigner. Effectivement, c’est une bonne passerelle vers la recherche. L’année dernière par exemple, une de mes étudiantes qui est venue en stage par l’intermédiaire de ce Master est partie en thèse à l’Institut Gustave Roussi, et cette année nous accueillerons dès février l’une des étudiantes du Master pour un stage de 6 mois.

PSL : Quels seraient vos conseils pour un étudiant qui voudrait rejoindre votre équipe de recherche ?

GG : Outre les parcours académiques, je m’intéresse à tous les détails qui révèlent leur curiosité, leur caractère travailleur (hobbies, jobs étudiants…). Cependant, la plupart des nouveaux étudiants me sont recommandés. Ainsi, si j’avais un conseil à donner aux étudiants, ce serait de toujours choisir avec attention leur Master, leur directeur de laboratoire, directeurs de thèses… C’est un choix tout aussi crucial et décisif pour les étudiants que pour les encadrants.

Les financements ERC (European Research Council)

Créée en 2007, l’fait partie du programme-cadre européen finançant la recherche et l’innovation (Horizon 2020). Il attribue chaque année, pour une durée de 5 ans, des bourses individuelles à des scientifiques issus du monde entier. L’ERC finance des projets de recherche exploratoires originaux porteurs de découvertes scientifiques, techniques et sociétales dans toutes les disciplines.

Il existe cinq bourses ERC :

  • Starting Grant : pour les jeunes chercheurs – 2 à 7 ans après la thèse (jusqu’à 2 millions d’euros)
  • Consolidator Grant : pour les chercheurs – 7 à 12 ans après la thèse (jusqu’à 2.75 millions d’euros)
  • Advanced Grant : pour les chercheurs confirmés (jusqu’à 3.5 millions d’euros)
  • Synergy Grant : pour un groupe de 2 à 4 chercheurs (jusqu’à 10 millions d’euros sur 6 ans)
  • Proof of Concept (vérification de concept) : à destination des lauréats, pour soutenir la valorisation de résultats obtenus dans le cadre d’une bourse ERC

PSL a créé un service dédié pour accompagner les chercheurs afin de répondre aux appels à projets européens saap@psl.eu