C2ERES : une pépinière de projets pédagogiques et scientifiques pour penser l’exploration spatiale de demain
Pour former les futurs astrophysiciens et ingénieurs spatiaux et accompagner des projets de recherche innovants, l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL propose un dispositif original adossé au Labex ESEP : le Campus et Centre de Recherche pour l’Exploration Spatiale (C2ERES). Benoît Mosser, et Boris Segret, assurent l'un et l'autre la direction fonctionnelle et pédagogique et la direction technique. Ils nous présentent le fonctionnement et les spécificités de ce pôle spatial francilien, déployé sur le site meudonnais de l’.
est professeur, chercheur au laboratoire (Observatoire de Paris-PSL)
est ingénieur système au
PSL : C2ERES (Campus et Centre de Recherche pour l’Exploration Spatiale) est présenté comme le pôle spatial de l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL. Pourriez-vous revenir sur la définition d’un pôle spatial ?
Notre mission consiste à préparer l’instrumentation spatiale de demain, et cela se passe dans les laboratoires. Toute technologie avant d’être embarquée dans l’espace a besoin d’être démontrée.
Benoît Mosser : (à prononcer « c-ceres »), c’est avant tout un campus et un centre de recherche. Il est ainsi porté par et étroitement associé au . Ces deux volets sont essentiels car les nanosatellites sont un secteur qui mêle la recherche et la formation. Nos liens étroits avec les principaux acteurs de l’enseignement et surtout de la recherche, que nous permettent l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL, font que nous jouons le rôle de pôle spatial francilien et même un peu plus.
Boris Segret : C2ERES est un incubateur de projets. Je m’explique : la mission au Labex ESEP est de préparer l’instrumentation spatiale de demain, et cela se passe dans les laboratoires. Qu’il s’agisse d’une mission scientifique ou d’une autre mission, le laboratoire est un passage obligé. Toute technologie, avant d’être embarquée dans l’espace, a besoin d’être « démontrée ». Et C2ERES par son fonctionnement, ses équipements, et les équipes associées permet précisément de faire la démonstration technologique. Dans le cas du , la démonstration technologique (injection de la lumière dans une fibre monomode) se fait en ce moment même dans l’espace grâce à l'environnement créé par C2ERES.
Benoît Mosser : Pour bien comprendre ce rôle de pôle, il faut aussi poser la question du lien avec l’industrie, et rappeler les synergies ! Dans le domaine spatial, les activités des laboratoires motivent une partie de l’activité des grandes sociétés comme AIRBUS ou THALES. La science astronomique est un aiguillon du progrès technologique, c’est elle qui imagine et assume la réalisation de projets un peu fous mais au final faisables. Ça s’appelle l’innovation, le progrès !
PSL : A quels publics s’adresse le pôle spatial C2ERES ?
En trois ans, on a injecté dans les projets l’équivalent de 55 années de travail étudiants et professionnels confondus. C’est essentiel, car cela permet aux projets d’avancer !
BS : L’équipe permanente est composée de trois personnes, et s’y ajoutent des équipes projets. Ces équipes nous rejoignent selon un processus classique : le chercheur PI (Principal Investigator) adresse au Labex ESEP une idée de projet, qui est évaluée par un comité scientifique, et une fois sélectionnée et financée l’équipe intègre la communauté de C2ERES. Notre rôle est alors de les accompagner dans l’amorçage du projet, par le financement de stages, l’apport de méthodes, d’outils de gestion et de moyens mutualisés. C’est d’ailleurs dans ce dernier point que l’apport de C2ERES prend tout son sens. En trois ans, l’équivalent de 55 années de travail a été injecté dans les projets, étudiants et professionnels confondus. C’est essentiel, car cela leur permet d’avancer ! Pour donner un exemple récent : le projet Picsat a impliqué 11 étudiants et représenté 185 mois de travail étudiant et professionnel, soit 15 ans de travail réalisé en 3 ans !
BM : Notre force, c’est aussi de pouvoir nous appuyer sur le réseau des ingénieurs des laboratoires du Labex ESEP avec qui nous avons mis en place un système de partage d’expertise en mécanique, optique, techniques embarquées… et j’en passe. Ils viennent en renfort sur des projets, participent à l’encadrement des étudiants… Cela fonctionne très bien. Pour les étudiants c’est une formidable opportunité de participer à une vraie mission spatiale, ce qui n’est pas si fréquent à l’échelle des laboratoires. Pour les experts c'est très motivant de contribuer ainsi à des missions à la fois légères et rapides comme Picsat (Rosetta, par exemple, a été conçue en 1994 et lancée en 2004 pour une mission de 2 ans autour de la comète à partir de 2014).
Nous accueillons aussi des étudiants en thèse, des étudiants en année de césure en stage d'ingénierie ou de recherche. En trois ans, 268 étudiants sont passés par C2ERES. Certes, à l’échelle de certaines grandes universités internationales comme le MIT c’est un résultat modeste, mais nous en sommes néanmoins très fiers car la qualité de parcours que nous leur proposons est équivalente à celle des grandes universités internationales et pour un coût bien plus raisonnable. Pourquoi ne pas imaginer, un jour, d’égaler en nombre d’étudiants le MIT ? PSL nous donne des ailes ! (rires)
PSL : Quelle est la spécificité de C2ERES ? Que propose ce pôle spatial aux étudiants ?
BM : Nous proposons aux étudiants une formation différente. Ils veulent développer des compétences transverses et thématiques que ne leur apportent pas les cours magistraux. L’approche CubeSat les met face à des objectifs réels et une réalisation concrète, par exemple dans 3 semaines, nous devrons avoir trouvé les réponses à trois questions clés pour le développement du projet. Ils acquièrent ainsi, une habitude et une aisance dans la gestion de responsabilités professionnelles, impossibles ailleurs. En d’autres mots, on les forme à la pratique et le rendement est très fort.
BS : Au cœur de C2ERES, il y a la PROMESS room, c’est une salle d’ingénierie concourante dans laquelle nous accompagnons le prototypage rapide d'un profil de mission grâce à un logiciel Open Source baptisé DOCKS. C’est un logiciel maison, et à dire vrai j’en suis très fier. Il n'a pas encore d'équivalent en logiciel libre alors que le standard CubeSat, lui-même Open Source, s'ouvre à des acteurs nouveaux, publics ou privés, en dehors du seul cadre de l'industrie. Il nous permet de préparer la réalisation du CubeSat, de représenter et modéliser toutes les situations de sa future vie dans l'espace : orientation dans le ciel, orbites autour de la Terre, survols de Mars ou d'un astéroïde, mesures, rotations, recharge de batteries, télécommunication…et de faire rapidement et collectivement des choix sur les meilleures stratégies.
PSL : Pourquoi avoir choisi de travailler spécifiquement sur les nanosatellites ? Faut-il comprendre qu’ils sont les outils d’instrumentation spatiale de demain ?
La grande avancée du CubeSat c’est d’avoir rendu le kilo dans l’espace moins cher. Maintenant, si demain on veut envoyer le successeur d’Hubble, ce n’est pas un CubeSat qui va nous intéresser, mais tous les éléments qui auront pu être miniaturisés.
BS : En termes de nanosatellites, la vague qui compte c’est la vague ! (NDR : satellite de moins de 1.33 kg et formant un cube de 10x10x10 cm3) Le CubeSat est un format standard de nanosatellite, qui rend la conception plus simple et moins chère. Il a émergé aux Etats-Unis en 1999 d’abord à des fins pédagogiques. À la création du labex ESEP, nous avons décidé de créer des CubeSats à des fins scientifiques. La nuance est importante, comme en témoigne le projet PicSat, car il ne s’agit pas de faire de la pédagogie de luxe, mais d’utiliser ce format accessible pour expérimenter l’instrumentation spatiale de demain. Un CubeSat, c’est donc pour nous avant tout un moyen au service d’un objectif qui, lui, est scientifique. Il n’est, en d’autres termes, que la boîte qui fera fonctionner une « charge utile », c'est à dire un outil de mesure. Et en tant que scientifiques, c’est justement la charge utile qui nous intéresse.
BM : La grande avancée du CubeSat c’est d’avoir rendu le kilo dans l’espace moins cher. Maintenant, si demain on veut envoyer le successeur d’Hubble, ce n’est pas un CubeSat qui va nous intéresser, mais tous les éléments qui auront pu être miniaturisés.
PSL : Il est question d’un projet de programme gradué PSL dédié à l’Espace et l’Astrophysique autour de C2ERES. Pouvez-vous dire quelques mots sur ce projet ?
BM : Effectivement, j’ai porté en 2017 la candidature du projet d' (Ecole Universitaire de Recherche) EUREQA (Ecole Universitaire de Recherche Espace, Qualité, Astrophysique) dans le cadre du PIA3 (3e plan d’Investissements d’avenir). Nous n’avons pas remporté l’appel à projets mais nous allons le retravailler car l’idée est féconde. Il s’agit de former des jeunes par la recherche à l’ingénierie spatiale et la physique. Un projet de thèse peut ainsi tout à fait donner les bases pour participer à un projet international et dans le même temps éclairer un point fondamental de physique. Tout l’enjeu de ce programme gradué serait de donner une vraie dimension aux disciplines d’astrophysiques et d’ingénierie dans la société. Notre devoir est de former les jeunes à l’innovation, l’expertise…qui sont utiles dans la vraie vie. EUREQA nous a permis de poser les questions d’optimisation de cette formation, la réflexion suit son cours et nous représenterons le projet fin 2018 lors du deuxième appel à projet du PIA3.