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"Docteurs PSL, une immensité de savoirs reste à découvrir ! " par Françoise Combes

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Le 5 avril dernier les docteurs PSL 2018 et leurs proches étaient rassemblés à Paris-Dauphine pour célébrer leur diplôme. Françoise Combes, astrophysicienne à l’Observatoire de Paris et professeure au Collège de France était marraine de la cérémonie. Dans son adresse aux jeunes docteurs elle revient sur la place des femmes dans la science, l’importance du métier de chercheur et l’immensité des savoirs qu’il reste à découvrir.

Françoise Combes astrophysicienne à l’Observatoire de Paris et professeur au Collège de France était marraine de la cérémonie des docteurs de l'±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL 2018

Je suis très honorée et très heureuse de parrainer cette cérémonie très joyeuse et très importante pour tous nos docteurs ayant soutenu leur thèse en 2018. Je suis heureuse de leur adresser toutes mes félicitations.

De cette expérience, je retiens des années passionnantes, intenses et un message d’encouragement à tous les jeunes nouveaux docteurs : ne vous découragez jamais, persévérez !

En posant un regard rétrospectif sur ma carrière, je réalise que je suis un pur produit de PSL avant la lettre. Entrée à l’Ecole Normale supérieure en mathématiques, j’ai très vite, sur le conseil judicieux de mes professeurs, opté pour des études de physique et effectué toujours à l’ENS, un DEA/Master de Physique atomique. Je ne me suis dirigée vers l’Astrophysique, que tardivement, en dernière année. La cosmologie et la découverte du vaste champ de recherche sur l’origine de l’Univers, la formation de toutes les structures, les galaxies, les étoiles, les planètes me fascinaient. J’ai donc effectué une thèse de 3ème cycle (durant la dernière année ENS) sur un modèle d’univers symétrique de matière et antimatière. Avec mes collaborateurs, nous avons pu montrer que le modèle ne marchait pas, n’était pas compatible avec les observations. Mais peu importe, la recherche avait été passionnante, et c’est bien dans cette voie, la recherche en astrophysique, que je voulais m’engager.

A la sortie de l’ENS, une fois cette première thèse en poche, il fallait tout de même trouver un point de chute, ma candidature au CNRS n’ayant pas abouti. Je pense que c’est la question que se posent tous les docteurs comme vous. J’ai eu la chance de me voir offrir un poste temporaire d’enseignement à l’ENS (un poste de « caiman ») par Pierre Encrenaz, que je remercie vivement.  Quatre à cinq ans plus tard, je soutenais ma thèse d’Etat, qui à l’époque était le cursus normal, équivalent à une Habilitation (HDR). Cette thèse portait sur des simulations numériques des galaxies en interaction, de la formation des barres, des spirales, des bulbes, et aussi des observations en longueurs d’ondes optique et radio. Cette fois théorie et observations collaient parfaitement. Tout semblait se dérouler à merveille, avec toutefois l’inquiétude chaque année de pouvoir trouver un poste. Malgré des candidatures répétées à des postes permanents, je suis restée pendant 15 ans sur des postes éphémères à l’ENS, ce qui bien sûr vers la fin m’amenait à avoir des doutes sérieux. J’ai commencé à envisager de faire de la recherche dans le privé, et visité les groupes chez Thales, Telecom, … heureusement pas pour très longtemps, car j’ai enfin obtenu un poste d’Astronome à l’Observatoire de Paris, autre membre fondateur de PSL. Les astronomes sont aussi des enseignants-chercheurs, et finalement il y a 5 ans, je suis élue professeur au Collège de France aussi membre fondateur de PSL, Lorsque l’on rentre à PSL, on s’y plait et on n’en sort pas ! De cette expérience, je retiens des années passionnantes, intenses et un message d’encouragement à tous les jeunes nouveaux docteurs : ne vous découragez jamais, persévérez !

Le métier est donc beaucoup plus facile, et de plus en plus passionnant, car les découvertes se succèdent plus vite.

On m’a posé la question : est-il difficile d’être une femme en astrophysique ? Je dois dire que c’est assez facile en France, où les chercheurs en ce domaine sont à 30% des femmes. Par contre j’ai voyagé fréquemment dès mes débuts aux USA pour trouver des télescopes dans notre domaine, et la situation était très inconfortable pour les femmes. Elles ne représentaient que quelques pourcents des chercheurs, et nos anciennes collègues nous apprenaient les grandes difficultés qu’elles avaient dû surmonter. Margaret Burbidge, grande astrophysicienne britannique, alors qu’elle faisait ses recherches dans les observatoires de montagne comme le Mont Wilson en Californie, devait avoir une dérogation, les dortoirs y étant interdits aux femmes !

Par la suite, l’Europe s’est dotée des meilleurs télescopes au monde dans mon domaine (IRAM), mais je continuais d’aller au Chili, à Hawaii, au Japon pour des observations. Aujourd’hui, le métier d’astronome est totalement différent, on observe à distance à partir de son bureau, ou bien on envoie un fichier codé du déroulement des observations, qui sont exécutées par l’ordinateur, et les résultats des observations nous arrivent par internet, c’est le cas du télescope spatial Hubble.

Le métier est donc beaucoup plus facile, et de plus en plus passionnant, car les découvertes se succèdent plus vite. Nous avons ainsi découvert les premières molécules dans la galaxie d’Andromède, puis observé le gaz froid moléculaire, berceau de la formation d’étoiles, dans des galaxies de plus en plus lointaines, remontant jusqu’au Big-Bang.  Nous avons aussi découvert des molécules en absorption devant les quasars lointains— ces systèmes permettent de mesurer la température partout dans l’Univers, et ainsi confirmer la théorie du Big-Bang, tester la variation des constantes fondamentales, comme la vitesse de la lumière. Nous avons pu reproduire, par des simulations numériques, les scénarios de formation des galaxies, avec différents types de matière noire, et différentes théories, comme la gravité modifiée.

 La thèse marque l’entrée dans le monde professionnel et la reconnaissance internationale.

Vous vous posez sans doute la question : que va m’apporter la thèse dans ma carrière de chercheuse ? La thèse marque l’entrée dans le monde professionnel et la reconnaissance internationale. Associée à la HDR, elle représente l’habilitation pour diriger la recherche d’étudiants et former son propre groupe indépendant de recherche. En tant qu’astronome, elle permet, sous le parrainage de son directeur de thèse, de devenir membre de l’Union Astronomique Internationale (UAI). Au niveau mondial, l’UAI organise les échanges entre chercheurs, et la tenue de conférences internationales. Elle promeut des valeurs d’équilibre entre les genres, les pays, les continents. Ainsi les femmes sont toujours beaucoup plus sollicitées que les hommes pour participer à des comités d’organisation, d’évaluation de la recherche, ou de distribution de temps de télescopes. Ces comités essayent de tendre vers la parité, alors que dans beaucoup de pays, les femmes astronomes sont très minoritaires.

Lorsque j’ai été élue il y a 15 ans à l’Académie des Sciences, j’étais la première femme astronome à y être admise ; de même j’ai été la première femme sur une chaire d’Astrophysique au Collège de France, depuis 1530 et François 1er !  Les barrières tombent peu à peu, et heureusement le chemin sera plus facile pour vous aujourd’hui. On pourrait se demander s’il reste encore beaucoup de choses essentielles à découvrir. Au fur et à mesure du progrès rapide des connaissances, on s’aperçoit de l’immensité de ce qui reste encore à connaître. Nous vivons une période très enrichissante et prometteuse pour les jeunes chercheuses et chercheurs d’aujourd’hui : de grandes questions, des mystères, et des instruments très puissants sont en cours de construction !

Lancer de toques des docteurs PSL 2018