Il y a 150 ans : l'invention des "hautes études"
En 1868, la création de l'EPHE ouvre la voie au renouveau de la pédagogie dans l’enseignement supérieur et de la recherche. 150 ans plus tard, en alliant un dispositif unique de savoirs classiques et une recherche en pointe, l’EPHE est l’un des grands établissements d’enseignement supérieur français. Hubert Bost, son président, revient sur l’identité et la singularité de cette école membre de PSL
« L’École des hautes études est un germe que je dépose dans les murs lézardés de la vieille Sorbonne ; en se développant il les fera crouler », pariait Victor Duruy à la veille de signer le décret fondant l’EPHE en 1868. Ce dispositif léger et peu coûteux devait lui permettre de réformer un monde universitaire qu’il jugeait alors sclérosé et incapable de s’adapter, de répondre aux nouveaux défis scientifiques et pédagogiques.
La nouvelle institution avait quatre sections : I. Mathématiques ; II. Physique et chimie ; III. Histoire naturelle et physiologie ; IV. Sciences historiques et philologiques. En 1886 fut fondée une Ve Section, qui traitait des Sciences religieuses, et en 1947 une section de Sciences économiques et sociales qui allait s’autonomiser en 1975 pour devenir l’EHESS. Actuellement l’EPHE est composée de trois sections : Sciences de la vie et de la terre, Sciences historiques et philologiques, Sciences religieuses.
A l’origine les directeurs d’études des trois première sections étaient hébergés dans les laboratoires des Facultés de Sciences et de Médecine de la Sorbonne, au Muséum, au Collège de France et à l’École normale supérieure ainsi qu’en divers lieux de province. À partir de 1901, ceux des IVe et Ve sections s’installèrent en Sorbonne.
Aujourd’hui, penser la pédagogie de l’enseignement supérieur sous forme de séminaires, promouvoir l’« apprentissage de la recherche par la pratique de la recherche », organiser des laboratoires et instaurer un tutorat personnalisé, sont des évidences pour tout institution qui promeut l’excellence. En 1868, c’était totalement novateur. L’expression même de « hautes études », courante de nos jours, n’avait pas encore connu de réalisation institutionnelle.
Tel est le paradoxe de l’École Pratique des Hautes Études : avoir été, au cours du second XIXe siècle, le laboratoire d’idées et de méthodes excentriques appliquées aux sciences les plus traditionnelles ; d’idées et de méthodes si fréquemment reprises ensuite – on pense notamment au CNRS après la seconde guerre mondiale – qu’on en oublierait la source.
L’EPHE entend défendre et développer une recherche fondamentale, gratuite au sens où la connaissance n’a pas de prix.
Cette singularité se traduit dans l’encadrement pédagogique et scientifique individuel ainsi que dans le choix d’un enseignement portant sur « la recherche en train de se faire ». L’EPHE revendique d’être un conservatoire, un dispositif unique de savoirs classiques, de langues méconnues, des grands domaines comme des niches de l’érudition – les « disciplines rares et menacées » dont on a récemment pris conscience qu’il fallait les sauvegarder. En même temps, sans la moindre contradiction, cette recherche recourt aux outils les plus pointus des humanités numériques, elle pense big data et nouveaux enjeux des cognisciences : les disciplines rares émergentes, celles des développements scientifiques de demain.
L’EPHE entend défendre et développer une recherche fondamentale, gratuite au sens où la connaissance n’a pas de prix. Et cependant elle veille aux applications concrètes qu’on peut en tirer, aux défis mondiaux lancés à la science. Elle peut tout autant s’intéresser à un système de pensée ou à une cosmogonie antique qu’aux phénomènes contemporains de « radicalisation » religieuse. Les instituts qu’elles a créés s’attachent à l’enseignement des faits religieux et à la laïcité, au vieillissement et au réchauffement climatique à partir de l’étude des récifs coralliens.
Conçue à l’origine comme un établissement « hors murs », l’EPHE se réjouit de trouver bientôt, dans le cadre du Campus Condorcet à Aubervilliers, la réponse à ses besoins d’infrastructures. En s’impliquant fortement dans le projet d’université PSL, l’EPHE retrouve les établissements de l’écosystème qui l’a vu naître. Les « hautes études », c’est à la fois une vieille dame portant dignement son bouquet de vénérables sciences, et une jeune garde connectée avec son époque.
Hubert Bost, Président de l’EPHE
Les manifestations scientifiques et culturelles des 150 ans de l'EPHE