Formation

« Le monde universitaire est idéalement placé pour former les étudiants à l’Intelligence Artificielle »

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L’Institut PRAIRIE (PaRis Artificial Intelligence Research InstitutE), dont PSL est un des acteurs principaux, a été inauguré le 2 octobre à Paris Dauphine – PSL. Institut 3IA porté par le CNRS, Inria, l’Institut Pasteur, l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Paris et l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL avec le soutien de partenaires industriels, PRAIRIE a pour ambition d’être à Paris un lieu d’excellence en Intelligence Artificielle.
Trois chercheuses et chercheurs de PSL font le point sur l’état des connaissances, les défis scientifiques à venir et les dispositifs de formations actuels et futurs en intelligence artificielle et gestion des données. Interview.

 

Chloé Agathe Azencott (MINES ParisTech - PSL), Jamal Atif (Dauphine - PSL) et Pierre Senellart (ENS - PSL)

Interview de :

  • , porteuse de la chaire « Azencott » au sein de l’Institut PRAIRIE, chercheuse
  • , directeur scientifique adjoint de l’Institut PRAIRIE, professeur à l’
  • , professeur des universités en informatique à l’, chaire PRAIRIE

 

PSL : Quelle serait votre définition de l'Intelligence Artificielle ?

Chloé Agathe Azencott : L’intelligence artificielle est le domaine qui a vocation à construire des systèmes qui « imitent » des fonctions cognitives que nous, humains, associons à celles d’êtres vivants. Un de ses composants essentiels est le machine learning, ou apprentissage statistique, qui vise à construire des algorithmes capables de découvrir par eux-mêmes comment modéliser un phénomène ou un comportement à partir de données.
Jamal Atif : Effectivement, cependant il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un domaine protéiforme en constante évolution. En donner une définition exacte n’est pas très aisé, mais je rejoins la proposition qu’en fait Chloé-Agathe. Il s’agit de la capacité de doter des machines de ce que l’on suppose être une certaine intelligence et une faculté à résoudre des problèmes complexes.
Pierre Senellart : Pour ma part, j’aime me référer au test de Turing, soit l’expérience de pensée qu’a proposée Alan Turing en 1950 pour répondre à la question « Les machines peuvent-elles penser ? ». Un système qui aurait la capacité d’adapter un comportement indistinguable de celui d’un être humain lors d’une interaction complexe avec un autre être humain constitue une intelligence artificielle. Attention, nous n’en sommes pas encore là ! Un certain nombre de problèmes ont été identifiés comme étant probablement IA-complets, c’est-à-dire que résoudre ces problèmes parfaitement ne peut être fait que si l’on dispose d’une intelligence artificielle au sens de Turing. C’est le cas de la vision par ordinateur, des voitures entièrement autonomes, de la compréhension du langage naturel, de la résolution de problèmes en présence d’événements imprévus… La recherche en intelligence artificielle, actuellement, consiste à faire progresser ces différents domaines, ou bien les fondements mathématiques et informatiques de ces domaines, dans le but d’un jour obtenir une réelle intelligence artificielle.

PSL : Pourquoi et comment l'université doit-elle, selon vous, s'emparer de la formation en Intelligence Artificielle ?

Jamal Atif : Aujourd’hui, s’il y a un domaine de recherche critique à bien des égards, car il fait l’objet d’une grande appétence de la part des industries numériques et des Etats, c’est celui de l’Intelligence Artificielle. Il est, par essence, porteur à la fois d’enjeux de recherche, de formation mais également d’enjeux sociétaux. Dès aujourd’hui, mais encore plus demain, un certain nombre de décisions prises pour procéder à des achats, des prescriptions médicales… ne sont et ne seront pas forcément comprises par l’humain. Il va falloir former et informer les citoyens actuels et futurs à ces enjeux via la formation initiale, formation doctorale et la formation continue. Le seul lieu où l’ensemble de ces formations sont réunies et s’effectuent au plus près de la recherche en train de se faire : c’est l’université.
Pierre Senellart : Effectivement, des progrès impressionnants ont été effectués récemment dans de nombreux domaines dont on pense qu’ils sont IA-complets. Par exemple, la classification d’images ou la traduction automatique ne sont pas des problèmes entièrement résolus, mais les techniques modernes parviennent à de très bons résultats. Il y a eu une véritable révolution, amenée en particulier par des avancées méthodologiques (les techniques d’apprentissage profond par exemple), l’accès à de très grands volumes de données, de nouvelles architectures de calcul. Il est nécessaire de former les étudiants à ces nouvelles techniques, d’une part parce qu’elles suscitent de nombreuses applications pratiques dans le monde industriel et le reste de la société, d’autre part pour perfectionner ces techniques et avancer vers l’intelligence artificielle. Le monde universitaire, composé d’enseignants-chercheurs suivant la pointe de la recherche dans ces domaines, est idéalement placé pour former ces étudiants.

PSL : Comment sont aujourd’hui formés les étudiantes et étudiants de PSL à l’Intelligence Artificielle ?

Jamal Atif : Aujourd’hui à PSL, l’IA est enseignée à une large gamme d’étudiantes et d’étudiants de la licence au doctorat. Cet enseignement peut prendre différentes formes suivant les profils et les niveaux. Ainsi, afin de former les futurs cadres en entreprises aux enjeux de ce domaine, un semestre numérique est organisé pour les étudiants de la . Pour les profils plus spécialisés, une nouvelle licence « a été créée. Autre exemple, les bénéficieront d’un tout nouvel enseignement sur l’IA et surtout d’un nouvel enseignant puisqu’un poste de professeur PSL a été créé. Les Masters PSL comprennent également des parcours en pointe très plébiscités par les étudiants comme le nouveau parcours IASD « » ou le . En formation continue, les Masters exécutifs et , ainsi que le connaissent un réel succès…Il serait inutile de multiplier ici les exemples, l’enseignement de l’Intelligence Artificielle est au cœur de nos préoccupations et sera un enjeu majeur de notre nouvelle offre de formation.
PSL proposera ainsi prochainement un PhD track pour les différents Masters en intelligence artificielle de PSL. Surtout, nous travaillons à la mise en place, dès la rentrée 2020, d’un programme transverse IA/SD (Intelligence Artificielle / Sciences des données) commun à l’ensemble des étudiants niveau Master et Doctorat toutes disciplines confondues. Inclus dans la construction de la nouvelle offre de formation PSL « programmes gradués », il permettra aux étudiants de choisir une matière majeure et une matière mineure, ce qui de façon schématique pourrait s’apparenter à « Biologie/Humanité ». De façon préfiguratrice, sous l’impulsion de Gabriel Peyré et de Léa Saint Raymond de l’ENS, un séminaire de recherche a été créé cette année, que nous espérons voir comme un exemple de mineure ou majeure selon la provenance des étudiants. Nous sommes en train de travailler à l’organisation d’une  semaine de cours intensif « Intelligence Artificielle /Humanité » début avril, qui sera ouverte à l’ensemble des étudiants de PSL. L’objectif sera d’en proposer deux au minimum chaque année afin de permettre de mieux diffuser les connaissances en Intelligence Artificielle dans l’ensemble des champs scientifiques qui sont producteurs de données.

 

PSL : Quels sont, selon vous, les grands défis scientifiques en intelligence artificielle ? Et comment les 68 chercheurs et enseignants-chercheurs, dont 26 ERC, qui travaillent à PSL sur ce domaine, vont pouvoir les relever ?

Chloé Agathe Azencott : Les défis sont nombreux ! Il s’agit d’un domaine encore jeune. L’IA est actuellement à un tournant concernant :

  • la puissance de calcul requise, l’impact environnemental de sa mise en Å“uvre, la capacité à porter les solutions actuelles sur des systèmes embarqués ;
  • les biais algorithmiques et leur quantification ;
  • l’application de ces techniques à des données hétérogènes, bruitées, difficiles à annoter, très peu nombreuses.
Inauguration de l'Institut PRAIRIE © Inria

PSL : Quelles seront vos actions au sein de l’institut PRAIRIE ?

Jamal Atif : Je suis directeur scientifique adjoint chargé de la formation, mon rôle sera d’articuler la formation PRAIRIE avec l’offre PSL.
Chloé Agathe Azencott : Je porte une chaire tremplin pour développer des méthodes permettant des données génomiques diverses pour y découvrir des biomarqueurs, c’est-à-dire des régions du génome permettant d’expliquer une caractéristique observée au niveau macroscopique. Les applications potentielles sont nombreuses : médecine personnalisée, découverte de facteurs de risque ou compréhension de mécanismes biologiques. Par ailleurs, en tant que co-fondatrice de la branche parisienne de Women in Machine Learning and Data Science, je compte participer aux actions menées par PRAIRIE sur les enjeux de diversité dans la formation, le recrutement et la représentation.
Pierre Senellart : Mes recherches portent sur la gestion de données : comment modéliser, organiser, traiter, analyser efficacement et de manière pertinente de grands volumes de données. Il s’agit en quelque sorte de la partie « mémoire » d’une intelligence artificielle. Quelle que soit la manière dont une IA est conçue, elle aura besoin de stocker, d’accéder, de découvrir une grande quantité de données. Au sein de PRAIRIE, je travaille plus précisément sur la gestion de données incertaines, imprécises, hétérogènes. En tant qu’enseignant-chercheur, je m’occupe également d’un certain nombre de cours d’un nouveau Master en Intelligence Artificielle, Systèmes et Données (IASD) au sein de PSL et dont le montage s’est fait de concert avec celui de PRAIRIE.