L’institut Pi-psy, une start-up deeptech qui révolutionne le monde des psychothérapies
L’Institut Pi-Psy, issu du Laboratoire Plasticité du Cerveau (CNRS / ESPCI Paris – PSL), est une start-up deeptech spécialisée dans les neurosciences cognitives et les thérapies cognitives et comportementales (TCC). Elle développe des approches innovantes en psychologie appliquée. Rencontre avec son cofondateur, le psychologue clinicien et chercheur en neuro-psychopathologie cognitive François-Benoit Vialatte.
PSL : Pouvez-vous nous présenter l’Institut Pi-Psy et les différents services que vous proposez ?
François-Benoit Vialatte : L’Institut Pi-Psy est une start-up deeptech située à l’interface entre l’informatique, les sciences de l’ingénieur et la neuropsychologie. Notre objectif est de moderniser le domaine de la psychologie appliquée, et en particulier les psychothérapies. Sur un plan R&D, nos recherches portent sur la modélisation des psychopathologies et des psychothérapies. Nous faisons de l’expérimentation clinique autour du neurofeedback et des usages de la réalité virtuelle.
Notre gamme d‘activité est assez étendue. Nous avons, ainsi, également créé un organisme de formation pour les professionnels du secteur et nous proposons des psychothérapies et des bilans psychologiques.
PSL : Comment est venue l’idée de fonder une start-up ?
François-Benoit Vialatte : Nous sommes partis d’un constat simple et partagé : la recherche en psychologie est trop souvent séparée du monde de la psychologie clinique, pourtant ces deux domaines auraient beaucoup à gagner en travaillant plus étroitement. Notre but était ainsi de décloisonner la recherche afin qu’elle bénéficie d’une part, plus rapidement aux patients, en améliorant les soins par exemple ; et qu’elle dispose de nouvelles données pour accélérer les travaux scientifiques en cours.
Partant de là , le projet de start-up s’est imposé. Le caractère pluridisciplinaire de nos travaux les rendait complexes à mettre en place sous la forme d’un projet de recherche public classique. Et, quand bien même cela aurait été possible, nous nous sommes vite rendu compte des limites du système. En développant nos travaux dans un laboratoire, nous aurions été maîtres d’ouvrage et non maitre d’œuvre de la partie recherche. Nous aurions aussi dû externaliser notre activité clinique au sein d’un hôpital, ce qui aurait nécessité de former du personnel à nos méthodes et fait exploser les coûts.
PSL : Vous êtes ingénieur-docteur et vous avez exercé en tant qu’enseignant-chercheur au sein de l’ESPCI Paris – PSL. Quels sont les liens entre l’Institut Pi-Psy et le laboratoire de Plasticité du cerveau de l’ESPCI ?
François-Benoit Vialatte : Notre recherche sur le neurofeedback et le brevet qui s’en est suivi sont « nées » au sein du laboratoire de plasticité du cerveau, alors que nous travaillions sur l’interface cerveau machine. L’idée de la start-up est venue après, et depuis nous avons maintenu des liens scientifiques forts avec notre laboratoire d’origine. Nous échangeons régulièrement avec les chercheurs et j’ai co-encadré certains de leurs doctorants.
PSL : Avec l’aide de PSL Valorisation vous avez déposé un brevet et l’±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé PSL est entrée au capital de votre entreprise. Quelles ont été les étapes de ce processus ?
François-Benoit Vialatte : Les étapes ont été assez classiques, si on peut dire. Une fois acquise l’intuition que nous tenions une innovation brevetable, nous avons contacté le service valorisation. Après étude du dossier, le service a confirmé notre intuition et nous a accompagnés dans les démarches de dépôt de brevet.
PSL Valorisation nous a par la suite, accompagnés pour créer la start-up et aidés à considérer les différentes options possibles. Nous aurions pu nous installer en tant que société sans créer de liens formels, mais nous avons préféré garder un lien avec l’université et la faire entrer au capital. Cela nous paraissait cohérent dans notre démarche, et c’est un appui rassurant.
L’appui de PSL Valorisation a notamment été précieux pour la construction du business plan, l’obtention de financements publics et privés, ou le développement des liens avec la presse.
PSL : Vous alliez Deeptech et sciences cognitives pour proposer une démarche innovante, quelle est, selon vous, la place de l’innovation dans le secteur des psychothérapies ?
François-Benoit Vialatte : Un des principaux défis à l’échelle scientifique est de modéliser les processus à l’œuvre dans les psychopathologies et les psychothérapies. Notre méthode/technologie cœur repose sur la construction d’interfaces cerveau-machine, et réponds en partie à ce défi. Elle permet de mesurer les fluctuations de l’attention d’une personne, en temps réel. Le recueil de ces données offre aux patients et aux praticiens les éléments nécessaires pour faire de la « kiné du cerveau » (neurofeedback) afin d’améliorer, par exemple, la capacité de concentration. Concrètement, le patient est équipé d’électrodes et a devant lui une interface graphique avec un jeu. Un psychologue est à ses côtés pour le guider dans son exploration.
Attention, il ne s'agit en aucun cas de laisser le patient s’entraîner seul avec un casque. Nous restons dans le domaine de la psychothérapie, la présence du thérapeute est essentielle. Le neurofeedback avec un accompagnateur humain sert, non pas à conditionner l’activité cérébrale, mais à accompagner la prise de conscience. Il s’agit d’un processus similaire à celui habituellement utilisé dans les psychothérapies « classiques », à la différence notable que l’application du neurofeedback permet d’atteindre des résultats en 4 ou 5 séances, contre une trentaine dans un protocole classique.
Et le besoin est là . Les conséquences de la crise sanitaire ont montré une forte augmentation des dépressions. On le sait moins, mais les troubles de l’attention sont très fréquents chez les personnes atteintes de dépressions, de syndromes de stress post-traumatique...
Or, à l’heure actuelle, les psychothérapeutes ne sont pas formés à cela.
Nous aimerions que dans 5 à 10 ans, tous les thérapeutes soient formés à cette méthode et équipés de casques. Cela permettrait une prise en charge plus rapide, et réduirait les souffrances des patients.
PSL : Vous faites aussi appel au Machine Learning dans vos recherches. Sous quelle forme ?
François-Benoit Vialatte : En effet, et c’est assez nouveau dans le domaine. La classification des maladies psychiatriques s’est faite en utilisant de très vieilles méthodes. S’il existe différents protocoles de soin, ils se centrent par nécessité sur un nombre restreint des troubles psychiques, et ne prennent pas toujours en compte les comorbidités par exemple. Il manque, de ce fait, un protocole scientifique alliant les différentes techniques et facteurs. Notre conviction est que la modélisation permettrait de mieux cerner ce qu’est une psychopathologie.
Notre objectif est d’utiliser les techniques du « machine learning » pour faire le pont entre les psychopathologies et les modélisations du cerveau. Pour cela, nous nous appuyons sur nos recueils de données et différents tests de protocoles menés sur des cohortes. Nous identifions les invariants, c’est-à -dire les points communs entre plusieurs situations, et leurs effets. Suivant que l’état du patient s’aggrave ou s’améliore, ces mesures nous permettent d’isoler l’action déterminante pour accompagner la guérison.
À terme, notre objectif est de développer une méthode pour suivre les patients au fil des séances. L’intelligence artificielle deviendrait ainsi l’assistant du thérapeute. Les jeunes praticiens pourraient, en particulier, disposer de données factuelles pour accompagner leur pratique.
PSL : Vous allez lancer prochainement une campagne d’adhésion. De quoi s’agit-il ? Et qui peut participer ?
François-Benoit Vialatte : L'Institut a plusieurs pôles de R&D. Notre but est de jouer un rôle moteur sur des projets de recherche à l’interface en psychologie appliquée. La France produit très peu de recherche en psychologie, contrairement à d’autres domaines médicaux.
Nous voulons créer une communauté pour encourager la production d’études scientifiques, notamment au niveau des jeunes chercheurs. Nous avons pour projet le lancement d’un colloque et d’une revue scientifique et tentons de réunir des chercheurs et des professionnels, pour partager les résultats de recherche.
Actuellement il est possible de collecter des données à grande échelle, mais un lieu de discussion manque. Notre a pour objectif de créer cette communauté d’acteurs. Nous débuterons par un le 8 septembre prochain, en visioconférence sur la pause déjeuner.