Nuit Sciences et Lettres de l'Ecole normale supérieure 2019 : "Les Origines"
De l’origine d’une idée, à celle de l’univers en passant par la notion d’identité ou celle plus récente de société numérique, l’origine excite souvent l’imagination et c’est le thème choisi pour la Nuit Sciences et Lettres de l’ENS 2019. Le 7 juin en fin d’après-midi, l’école ouvrira ses portes et invitera un public curieux à venir débattre jusque tard dans la nuit avec plus de 180 intervenants (chercheurs, personnalités artistiques, littéraires…) au gré des conférences, ateliers, tables rondes…
Stéphane Verger (Chercheur - Département des sciences de l’antiquité de l’ENS) et Hugues Roest Crollius (Chercheur - Institut de biologie de l’ENS), commissaires de l’événement, reviennent sur les temps forts et la genèse de cette nouvelle édition des nuits de l’ENS.
PSL : La Nuit Sciences & Lettres de l'ENS revient avec pour thématique « Les Origines ». Comment ce choix s'est-il imposé ?
Le thème des « Origines » nous est nécessairement familier. Mais c’est une familiarité trompeuse. Dès que l’on tente de remonter à l’origine des choses, celle-ci a une fâcheuse tendance à fuir à nos observations, à se perdre dans la multiplicité des liens de causalité et à se dissoudre finalement dans la complexité du réel.
Stéphane Verger et Hugues Roest Crollius : Comme cela est d’usage, la Nuit traite d’un thème qui permet de réunir toutes les composantes de l’École et aussi de parler à un large public. C’est ce qui avait été fait il y a trois ans pour la précédente édition, dont le thème était « ». Cette année, on a choisi le thème des origines parce que, d’un côté, sa pertinence même est au cœur des controverses scientifiques les plus spécialisées et, d’un autre côté, il alimente, souvent de manière simpliste et infondée, les débats idéologiques les plus aigus. Il nous est nécessairement familier, que l’on parle de problématiques scientifiques lointaines – l’origine de l’univers, de la vie sur terre, de l’espèce humaine, des civilisations – ou bien de réalités plus concrètes et quotidiennes – l’origine de notre famille, de notre langue, des outils que nous utilisons, qu’ils soient apparus pendant la Préhistoire ou seulement à l’aube du XXIe siècle. Mais cette familiarité est trompeuse, car dès que l’on tente de remonter à l’origine des choses, celle-ci a une fâcheuse tendance à fuir à nos observations, à se perdre dans la multiplicité des liens de causalité et à se dissoudre finalement dans la complexité du réel. Les discours sur les origines sont innombrables et révèlent surtout les présupposés scientifiques et idéologiques de leurs auteurs. Ils prêtent à la critique, à la confrontation, à la discussion. Ils sont donc particulièrement bien adaptés au format de la Nuit des Sciences et des Lettres, qui permet de réunir un grand nombre de chercheurs de tous horizons désireux de débattre avec un public curieux et sans préjugés.
PSL : Conférences, expositions, ateliers... près de 180 intervenants sont attendus. Quel sera leur public ?
HRC et SV : La Nuit des origines propose en effet un programme constitué de très nombreuses activités. Elle commencera par deux débats : l’un sur la notion même d’origine et sur sa pertinence, l’autre sur ce qui se trouve à l’origine d’une idée – et sur la notion connexe d’originalité. La grande diversité du thème sera abordée ensuite par des conférences et surtout par une série de dialogues dans chacun desquels deux chercheurs issus de disciplines ou d’écoles de pensée différentes confronteront leurs points de vue sur un même sujet. Une grande place sera accordée à la discussion avec le public qui assistera à ces joutes intellectuelles.
Comme à l’habitude, on proposera aussi des expérimentations pratiques qui prendront la forme d’ateliers : comment naît une épidémie ? Comment frappait-on les monnaies dans l’Antiquité ? Comment fait-on du feu ? Trois expositions seront présentées dans les murs de l’École normale supérieure : dans la première, on verra comment est née la Bibliothèque des Lettres, aux origines de l’École ; dans la seconde, « Réinventer les Celtes », seront présentés les résultats des dernières recherches menées sur ce peuple et sur ses origines ; enfin, la Bibliothèque de Mathématique accueillera une exposition consacrée aux kolams, ces dessins géométriques de l’Inde traditionnelle qui sont à la fois des porte-bonheur et des représentations de la géométrie complexe du monde. On pourra aussi voir des reportages scientifiques relatant par exemple l’expédition maritime Tara ou reconstituant le fonctionnement d’une ville antique.
Toutes ces activités sont conçues pour intéresser un très large public, des jeunes enfants pour les ateliers aux lycéens, étudiants et adultes intéressés pour les débats et conférences.
PSL : Parmi les intervenants figurent des chercheurs, mais également des dessinateurs comme Riad Sattouf, des compositeurs comme Karol Beffa ou encore des cadres de grandes entreprises. Cette diversité était-elle importante ?
HRC et SV : Si l’on a choisi cette année le thème des origines, c’est que ses implications dépassent largement le milieu de la recherche scientifique. C’est pour cela que l’on a fait appel à des personnalités, comme celles que vous citez, qui rendent sensible, par leurs œuvres, par le recours à des pratiques artistiques novatrices ou par leur implication dans le débat public, toute l’actualité de la notion d’origine, dès lors qu’elle n’est pas réduite aux clichés trop répandus dans lesquels on voudrait la cantonner. Parler de l’origine, ce n’est pas figer le passé dans une représentation convenue : c’est au contraire en faire un objet d’étude en perpétuelle construction, qui laisse la place à toutes les formes de création les plus modernes, qu’elles soient scientifiques, artistiques ou plus généralement intellectuelles. C’est aussi prendre conscience que nous assistons aujourd’hui – ou nous participons plus précisément – à de nouvelles origines, qui sont au cœur de l’actualité : origine de la société hyperconnectée, qui sera évoquée par un des acteurs de la création de Facebook ; origine de nouveaux bouleversements climatiques, de nouvelles formes de biodiversité, dont on suit la genèse grâce à l’expédition Tara ; origine de nouvelles constructions biographiques individuelles et collectives, dont nous parle Riad Sattouf. Ce sont tous ces territoires nouveaux qui émergeront pour ainsi dire de la Nuit des origines de l’ENS.
Nuit Sciences et Lettres de l'ENS : "Les Origines"
7 juin 2019 17h30-2h
45 rue d'Ulm, 75005 Paris