"SUBLIME Energie est née dans les laboratoires de l'Université "Rencontre avec Bruno Adhémar, son fondateur
En décembre 2023, la jeune start-up deeptech SUBLIME Energie levait 11,5 millions d’euros. Créée en 2019 et accompagnée par PSL-Valorisation, cette société à mission a développé un procédé révolutionnaire de liquéfaction du biogaz issu des déchets organiques de l'agriculture. Une première mondiale, qui va optimiser la gestion de ces déchets et démocratiser la méthanisation auprès des exploitations agricoles, notamment celles éloignées des réseaux et des stations d’épuration. À la tête de SUBLIME Energie, Bruno Adhémar, reconverti dans l'entrepreneuriat après une carrière de 27 ans en tant que salarié dans le management et la résolution des crises. À l’origine de ce changement de cap ? Une passion pour le secteur de l’énergie, la crise de Fukushima, le Master Entrepreneuriat Deeptech & Innovation des Mines Paris – PSL et surtout, l’envie de changer les choses. Dans un entretien, le dirigeant revient sur son parcours atypique et sur les enjeux de SUBLIME Energie, ainsi que sur sa genèse au sein de l’écosystème PSL.
« À la fin des années 1980, alors étudiant, j’étais déjà préoccupé par les questions environnementales et je n’étais pas le seul, mes camarades aussi… Toutes les encyclopédies en parlaient depuis longtemps et on était conscients de la problématique des énergies fossiles, de l’inégalité de partage des richesses dans le monde… » Plus de trente ans après, Bruno Adhémar est toujours aussi soucieux, « et même plus ».
Une technologie unique au monde
Aujourd’hui président de , une startup deeptech à mission œuvrant à la transition énergétique, Bruno Adhémar est retourné sur les bancs de l’école après 20 ans de carrière dans le management de projets et d’équipes et la résolution des crises.
Diplômé en 2019 de la première promotion du , il a lancé SUBLIME Énergie la même année, accompagné par PSL-Valorisation. « Notre entreprise travaille sur une technologie unique au monde de liquéfaction de biogaz permettant le développement de la petite méthanisation directement à la ferme et la production locale de biométhane liquéfié, un carburant bas-carbone pour la mobilité lourde, et de biodioxyde de carbone », explique Bruno Adhémar.
Révolution énergétique et économie circulaire
Les déchets organiques agricoles - tels que le lisier et le fumier - peuvent être transformés sous certaines conditions, en biogaz. Pour cela, ils sont collectés sous leur forme solide par camion vers un méthaniseur, souvent éloigné des fermes, afin de les transformer en biogaz. Au contraire, SUBLIME Energie propose d’effectuer cette biométhanisation “à domicile”, puis de liquéfier le biogaz sur place. « On fonctionne en logique d’économie circulaire et d’analyse de cycle de vie du puits à la tombe », indique Bruno Adhémar.
« Lors de la méthanisation, on produit 10% de biogaz et 90% de digestat, qui est en fait de l’engrais ». En effectuant la biométhanisation sur place, l’agriculteur peut ainsi utiliser directement l’engrais produit, sans passer par un intermédiaire. « Plus largement, cela permet d’apporter un revenu complémentaire stable aux agriculteurs, de réduire la pollution des sols et le recours aux engrais chimiques », résume le chef d’entreprise. « À l’image de la tournée du laitier », comme Bruno Adhémar se plaît à l’illustrer, « le biogaz liquéfié est collecté et transporté efficacement vers un hub où les opérations d’épuration et de conditionnement des gaz sont réalisées », ajoute-t-il. « De plus, son volume est considérablement réduit, ce qui diminue d’autant les coûts de transport. »
11, 5 millions d’euros de levée de fonds
Bruno Adhémar connaît son sujet sur le bout des doigts, « et pourtant, je n’ai appris ce qu’était la méthanisation qu’en 2018, via les Mines Paris – PSL », admet-il volontiers . « C’est ce qui m’a fait comprendre qu’il y avait un véritable problème dans la gestion des déchets agricoles », poursuit-il. « Et si l’idée de SUBLIME Energie a très rapidement germé, j’ai eu besoin de toutes les compétences, de tout le savoir-faire et du réseau de Mines Paris - PSL et de l’̳ », poursuit-il. « SUBLIME Energie est née dans les laboratoires de PSL, suite à nos réflexions avec des agriculteurs. Ce sont les premiers qui ont cru au projet et qui l’ont soutenu. » Et ils sont désormais loin d’être les seuls.
« SUBLIME Energie est née dans les laboratoires de l’̳ et de ses établissements, suite à nos réflexions avec des agriculteurs. Ce sont les premiers qui ont cru au projet et qui l’ont soutenu. »
Après une première levée de fonds de 1 million d'euros, SUBLIME Energie a levé en décembre dernier 11,5 millions d’euros, notamment auprès du fonds Révolution Environnementale et Solidaire de Crédit Mutuel Impact et de Armines par l’apport du brevet. « Une belle victoire » et l’assurance de pouvoir construire un démonstrateur grandeur nature, dans une ferme des Côtes-d’Armor, avec une mise en service en 2025. « C’est un pas de géant pour SUBLIME Energie », sourit Bruno Adhémar. « Et quel chemin parcouru en quelques années » ajoute le jeune entrepreneur, aujourd’hui à la tête d’une société de 15 personnes.
De salarié à entrepreneur
Car si Bruno Adhémar a plus de 20 ans de carrière derrière lui, c’est seulement en 2019 qu’il se lance dans l’entrepreneuriat, avec la création de SUBLIME Energie. « Avant, j’ai travaillé pendant des années au sein d’Areva, aujourd’hui Orano », explique-t-il. « Sorti d’une école d'ingénieur en 1990, j’étais déjà très intéressé par le secteur de l’énergie et je voulais me diriger vers le nucléaire ». Bruno Adhémar commence dans la gestion de projet - « rien à voir avec la technique ou la recherche » - et, soucieux des problématiques environnementales, se dirige naturellement vers la gestion des déchets nucléaires. Les années passent et Bruno Adhémar grimpe les échelons, travaille sur de nouveaux projets internationaux, à Tchernobyl et aux États-Unis, et apprend « énormément », tout en s’orientant dans la gestion d’équipe.
Puis en 2011 survient la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima. « Personne ne s’y attendait. En urgence, le Japon demande à Areva de les aider et je me porte volontaire », raconte-t-il. « En pleine gestion de crise et en moins de trois mois, nous concevons et mettons en exploitation la première installation de traitement des eaux hautement radioactives de Fukushima »
De retour, profondément impacté par cette tragédie humaine et écologique, Bruno Adhémar crée la Force d'Intervention NAtionale d’Areva, une structure de gestion de crise en cas d’accidents radiologiques ou nucléaires graves. « Il n’y avait pas encore de telle initiative qui existait en France car à l’époque, on ne pensait pas que cela pouvait nous arriver », se rappelle-t-il.
Biographie express de Bruno Adhémar
1984 à 1986 : classes préparatoires, lycée Janson-de-Sailly, Paris
1990 : diplôme d’ingénieur, électrochimie et matériaux, Grenoble INP - Phelma, Grenoble
1991-1992 : ingénieur planning, SGN (aujourd’hui intégrée à Areva, devenue Orano depuis 2018), Saint-Quentin-en-Yvelines
1993 à 2003 : chef de projets, SGN, Gard
2003 à 2005 : chef de projet, Areva INC, Charlotte, États-Unis
2005 à 2007 : chef des départements études et calculs, Areva TN International
2007 à 2011 : directeur adjoint Business Line, Areva TN, Saint-Quentin-en-Yvelines
2011 : chef du projet Actiflo-rad à Fukushima, Areva, Japon
2011 à 2018 : chef de projet sénior de la Force d'Intervention NAtionale (FINA), Areva, Paris
Sept. 2018 à juillet 2019 : Master spécialisé Entrepreneuriat Deeptech & Innovation, Mines Paris - PSL, Paris
Juillet 2019 à aujourd’hui : président cofondateur de SUBLIME Énergie, Paris
Bruno Adhémar et une partie de l'équipe de SUBLIME Energie
La première société à mission française née dans les laboratoires de PSL
Quelques années plus tard, il entre en contact avec un professeur des Mines Paris - PSL, passionné lui aussi par la gestion de la catastrophe de Fukushima, et qui lui fait découvrir l’établissement. En parallèle, après deux décennies chez Areva, Bruno Adhémar s’interroge sur sa carrière : « je commençais à avoir envie d’autre chose », explique-t-il. « Et là, coup de chance, les Mines créent le. » Séduit, il prend quelques mois de congés et intègre la formation en septembre 2018. Au cours des premières semaines, il rencontre des membres du Centre de Gestion Scientifique, au pilotage du Master. « Ils m’ont parlé de la nouvelle loi Pacte qui introduit la qualité de société à mission, que je ne connaissais pas ». Une loi qui a notamment pour objectif de permettre aux entreprises de mieux prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans leur stratégie.
« C’est ce qui m’a décidé à sauter le pas et à créer SUBLIME Énergie », indique Bruno Adhémar. « En intégrant le Master, je n’avais pas prévu de monter une entreprise, mais là, tout semblait aligné : j’avais découvert la méthanisation et son incroyable potentiel en tant qu’énergie renouvelable, des cofondateurs potentiels et il y avait ce nouveau statut de société à mission qui correspondait à ma vision de l’entreprise. » Bruno Adhémar et son équipe ne perdent pas de temps. La loi Pacte entre en vigueur en mai 2019 et SUBLIME Énergie est créée en juillet 2019, devenant la toute première société à mission française.
Plongée dans l’écosystème deeptech et le monde entrepreneurial
« Sans mon passage à PSL, jamais je n’aurais pu monter SUBLIME Énergie », estime-t-il. « L’Université m’a donné la possibilité de créer mon entreprise avec l’aide de compétences énormes, et m’a fourni un incroyable soutien technologique. » Sur les bancs des Mines Paris – PSL, Bruno se confronte à la réalité du monde entrepreneurial. « La formation est centrée sur l’innovation et la conception », raconte-t-il. « On a eu des cours avec des experts incroyables comme Armand Hatchuel et Jean-Marc Jancovici. » Business plan, comptabilité triple capital, connaissances techniques, finance, management… De nouvelles notions et compétences qui nourrissent la création de SUBLIME Énergie. « Aussi, nous avons été épaulés par dix mentors du Master, pour nous guider dans notre projet. Certains d’entre eux nous suivent toujours », indique Bruno Adhémar. « Nous avons eu la chance d’être accompagnés par PSL-Valorisation, qui nous a ouvert les portes de l’écosystème deeptech, jeune, bouillonnant et en pleine construction », poursuit-il. « Complémentaire au Master », PSL-Valorisation lui donne également accès aux locaux et aux ressources du PSL Lab, ainsi qu’à des contacts clés pour la création de son entreprise. « C’est bien simple, on avait accès à tout ce qu’on voulait », résume-t-il. « aussi bien à la recherche de pointe des établissements de l’̳ qu’à son incroyable réseau. »
« Nous avons eu la chance d’être accompagnés par PSL-Valorisation, qui nous a ouvert les portes de l’écosystème deeptech, jeune, bouillonnant et en pleine construction. »
Un premier défi technologique
En janvier 2019, Bruno Adhémar se rend avec un de ses associés au salon du biogaz. Ils rencontrent un agriculteur méthaniseur très enthousiasmé par leur projet, et qui souhaite collaborer avec eux. « Le premier gros défi a été technologique », se souvient l’entrepreneur. Ils prennent contact sans tarder avec l’équipe de chercheurs du Centre d’Efficacité énergétique des Systèmes (CES, maintenant CEEP) des Mines Paris - PSL. « À ce moment-là, la technologie que nous voulions développer n’existait pas : liquéfier du CO2 qui gèle à -56°C avec du méthane qui se liquéfie à -160°C, c’était tout bonnement impossible. Mais les scientifiques ont cru en nous et se sont lancés. » Convaincus par le projet, ils réussissent à fabriquer en laboratoire un premier démonstrateur pour liquéfier le biogaz, qui sera terminé en mars 2020. « Une étape majeure, car les Mines Paris - PSL ont pu ensuite déposer le brevet, que nous venons d’ailleurs de racheter », précise Bruno Adhémar. Un brevet et une licence exclusive qui enclenchent rapidement une première levée de fonds.
Trois ans plus tard, les enjeux sont élevés pour SUBLIME Energie « 2023 était l’année du make or break », se souvient le chef d’entreprise. « Nous étions arrivés au bout de ce que nous pouvions nous permettre et sans l’arrivée de nouveaux soutiens financiers, l’avenir de la start up était fortement compromis. » En avril, « grâce à l’entremise de PSL », Bruno Adhémar et son équipe rencontrent le Fonds de Révolution Environnementale et Solidaire, créé quelques mois auparavant. « Et là ça a fait tilt. Avec un nom pareil, c'était forcément pour nous », sourit-il. Et pour cause. Un an plus tard, le Fonds leur allouera un financement de 10 millions d’euros, « de quoi tenir la promesse de SUBLIME Energie et construire le démonstrateur de liquéfaction grandeur nature en Côtes-d’Armor, chez le premier agriculteur que nous avions rencontré en 2019, au salon du biogaz. » Celui-ci sera opérationnel en 2025 et permettra de tester le prototype dans des conditions réelles.
Les dates clés de SUBLIME Energie
Juillet 2019 : création de SUBLIME Energie.
Mars 2020 : création d’un premier prototype de liquéfaction de biogaz dans les laboratoires du CEEP de Mines Paris - PSL et dépôt d’un brevet par les Mines Paris – PSL et Armines.
Juillet 2020 : levée de fonds de 85 000 euros.
Mars 2021 : levée de fonds d'un million d’euros auprès de Storengy et de Business. Angels
Avril 2022 : mise en service d’un second prototype dans les laboratoires des Mines Paris - PSL.
Décembre 2023 : 11,5 millions d’euros levés auprès du Fonds de Révolution. Environnementale et Solidaire du Crédit Mutuel, de Armines et des investisseurs historiques de SUBLIME Energie.
2025 : mise en service du démonstrateur de liquéfaction grandeur nature, dans une ferme des Côtes-d’Armor.
S'appuyer sur la recherche
Les prochains défis ? « Convaincre les pouvoirs publics que ce que l'on fait a du sens et qu’il nous faut un cadre réglementaire, au même titre que toutes les autres énergies renouvelables », explique Bruno Adhémar. « Et tout aussi important, convaincre les agriculteurs de participer à notre projet, car sans eux, pas de biogaz. » À terme, ce sont plusieurs milliers de nouveaux méthaniseurs qui pourraient être implantés en France, puis en Europe. « Il y a une vraie dimension de projet territorial », précise l'entrepreneur. « SUBLIME Énergie souhaite favoriser les emplois locaux. On estime que chaque nouveau projet d’une dizaine de méthaniseurs implanté permettra de créer entre quinze et vingt emplois pérennes sur le territoire. »
« Les enjeux environnementaux et sociétaux sont complexes et intrinsèquement liés, on ne peut les affronter sans tout le savoir et les compétences des chercheurs et des chercheuses. »
Pour Bruno Adhémar, il est important de penser global : « On ne peut pas résoudre les problèmes environnementaux sans s'attaquer également aux problèmes sociétaux. » Des enjeux « colossaux et complexes », qu’on ne peut affronter « sans tout le savoir et les compétences des chercheurs et des chercheuses », appuie-t-il. « C’est d’ailleurs pour cela que lorsqu’on se lance dans l’entrepreneuriat, il est fondamental de s’entourer de gens plus intelligents que soi et de l’accepter », estime Bruno Adhémar. Et la deeptech a également un rôle capital à jouer : « elle doit non seulement montrer que dans les laboratoires de recherche, on s’occupe de l’aspect social et environnemental, mais aussi l’impulser », souligne-t-il. « On doit faire de la deeptech pour régler les problèmes qui comptent, ce doit être sa mission première », conclut-il.
À propos de PSL-Valorisation
Au service de toutes les équipes de recherche de PSL, le service PSL Valorisation travaille dans le prolongement de la culture de l’innovation des membres de PSL. Son action repose sur des principes de proximité, de réactivité et de partage du risque ; il contribue :
- à la détection et la protection de la propriété intellectuelle en accompagnant les chercheurs dans toutes leurs démarches.
- à l’élaboration des conventions avec les établissements pour permettre le transfert à PSL de droits de propriété intellectuelle, et le dépôt de brevets au nom de PSL et des établissements concernés.
- au financement et à l’accompagnement des projets de pré-maturation et maturation pour établir des preuves de concept techniques et économiques.
- au soutien à la création d’entreprises innovantes.
À propos du Master spécialisé Entrepreneuriat Deeptech & Innovation des Mines Paris - PSL
L’entrepreneuriat deeptech consiste à la création d’entreprises innovantes à partir des dernières avancées de la recherche scientifique. L’objectif du Master Spécialisé Entrepreneuriat Deeptech & Innovation de Mines Paris - PSL est de former la prochaine génération d'entrepreneurs et d'innovateurs au service des grands défis contemporains : transition énergétique, climat, développement durable, santé, éducation, mobilité, numérique, cybersécurité, agriculture, alimentation…